Mounir Kharbouche, Directeur général de Stellantis, dresse le bilan de quatre années d’existence de l’usine automobile installée à Kénitra, qui ambitionne déjà de doubler ses capacités de production. Ce site industriel et performant devient l’un des fleurons du secteur au Maroc, avec un pôle export qui positionne le Maroc parmi les plus grands pays constructeurs d’automobile dans le monde.
Autonews : Avec un investissement de plus de 300 millions d’euros dans le site de production de Kénitra au Maroc, dans le cadre des plans de croissance de la région, où en êtes-vous aujourd’hui de votre plan de croissance dans l’industrie automobile au Maroc ?
Mounir Kharbouche : D’abord, je voudrais revenir sur l’historique de cette unité. L’usine a démarré son activité en 2019. Nous avons commencé avec une cadence de 15 véhicules par heure, avec une capacité de production de 75 000 véhicules par an. Très vite, nous sommes passés à un doublement de capacité avec 30 voitures par heure. Ce doublement de capacité a permis à l’usine d’entrer dans la cour des grands, parce qu’il faut savoir que quand on commence à produire 150 000 véhicules par an, on se positionne parmi les plus grands, puisqu’il n’y a pas beaucoup de sites industriels qui ont cette production-là. Ce passage n’a pas été facile, parce que la stratégie de l’entreprise est d’avoir un management 100% marocain. C’est dans ce sens que nous avons commencé avec une population jeune, certes peu expérimentée, mais que nous avons formée en investissant dans la formation professionnelle pour lui donner cet élan et accompagner le démarrage de cette usine.
Ce qu’on voit aujourd’hui doit être considéré comme une première victoire parce qu’en novembre 2022, nous avons reçu les félicitations et les encouragements du CEO de l’entreprise (Carlos Tavares) en nous annonçant l’augmentation de production. Dans cette perspective, nous allons passer d’une capacité de 30 véhicules par heure à 60 et de 200 000 véhicules par an à 400 000 auxquels s’ajouteront 50 000 objets de mobilité électrique : Citroën Ami et Opel Rocks-e.
Autonews : L’usine de Kénitra va doubler sa capacité de production locale et introduire la plateforme «Smart car» en vue d’atteindre l’ambition commerciale de plus de 22% de parts de marché dans la région d’ici 2030. Quelle est votre stratégie pour atteindre cet objectif très ambitieux ?
M. Kh. : Il faut savoir que cette usine est la plus compacte du Groupe. Ce qui est un grand atout. Nous avons mis sur pied une usine frugale et compétitive. Ainsi, le doublement des capacités va se faire avec l’extension des bâtiments, avec cette particularité qui consiste en la construction d’un nouveau building pour la partie ferrage et un autre bâtiment pour la partie peinture. Par contre, le montage sera étendu pour passer à 60 voitures par heure sur la même ligne de production. Ce qui nous donnera deux bâtiments ferrage à 30 à l’heure, deux bâtiments peinture à 30 à l’heure et un seul bâtiment montage à 60 à l’heure.
Autonews : Le site de Kénitra contribuera à l’ambition régionale d’atteindre une capacité de production d’un million de véhicules par an d’ici 2030 avec une autonomie régionale de production de plus de 70%. Quels sont les moyens mis en place pour assurer cette production en flux continu ?
M. Kh. : Absolument. Cela est possible grâce à la compacité de cette usine. L’un des leviers majeurs que nous avons, en plus de la performance de nos équipes, c’est aussi le coût de l’énergie. Parce que comme nous sommes une usine compacte, nous avons une consommation d’énergie qui est plus réduite en comparaison à d’autres sites qui font trois à quatre fois la taille de notre unité. Le deuxième levier, c’est la volonté du «Made in Morocco». Je pense que chaque personne qui travaille dans cette entreprise, nourrit ce sentiment de fierté de rendre cette usine parmi les plus importantes de Stellantis. Nous avons capitalisé sur l’histoire automobile au Maroc, et aujourd’hui, nous sommes en train de concrétiser ce savoir-faire avec une population qui est jeune.
Des équipes qui ont bénéficié d’une bonne formation grâce au soutien de nos partenaires, ce qui nous a permis d’avoir un vivier de personnes compétentes.
Autonews : Quelle est la part à l’exportation de l’usine ?
M. Kh. : La part des exportations de cette usine tourne autour de 90%, avec 10% pour le marché local et maghrébin. Demain, la stratégie va changer et cela entre dans la stratégie de l’entreprise à l’horizon 2030. Dans ce sens, en ce qui concerne la région Afrique et Moyen-Orient, nous avons une vision qui vient contrebalancer l’équilibre que nous avons aujourd’hui, puisque l’Europe tend vers le 100% électrique. Demain, nous exporterons 70% de nos productions vers l’Afrique et le Moyen-Orient y compris le Maroc et 30% vers l’Europe.
Autonews : Stellantis annonce le doublement de la capacité de production du site pour atteindre 400 000 véhicules par an auxquels s’ajouteront 50 000 objets de mobilité électrique : Citroën Ami et Opel Rocks-e. Le lancement de la plateforme «Smart car», quant à elle, vient soutenir davantage l’offre produits. Elle représentera 40% de l’offre de mobilité de la région d’ici 2030. Quelle lecture faites-vous du marché de l’électrique au Maroc aujourd’hui ?
M. Kh. : Aujourd’hui, nous avons démontré notre capacité en électrique made in Morocco. Cette année, nous allons produire plus de 30 000 objets de mobilité électrique pour aller chercher par la suite les 50 000. Parce que la demande ne s’arrêtera pas pour ce type de solution de mobilité. Dans ce sens, nous sommes partis pour écrire l’histoire pour plusieurs années.
Autonews : Sur le plan environnemental, l’usine est un modèle d’optimisation énergétique grâce à sa faible consommation d’énergie par véhicule produit (425 kWh/véhicule). Elle aura bientôt accès à des énergies renouvelables issues de la stratégie nationale de transition énergétique et de développement durable du Maroc. Quelle est votre approche écologique à l’horizon 2030 ?
M. Kh. : Actuellement, nous sommes parmi les meilleurs en termes de consommation d’énergie et aussi en coût d’énergie. Il faut dire que nous avons cette chance d’avoir ce projet sur les terres marocaines, ce qui nous permet de bénéficier de certaines clefs de succès. Ainsi, avec le doublement de notre capacité de production, nous avons décidé d’abord de ne pas construire la même surface. Nous allons mettre sur pied une surface encore plus optimisée que celle d’aujourd’hui tout en faisant plus de volume. Ce qui va automatiquement nous permettre d’avoir un ratio de kilowatts heure par véhicule plus faible qu’aujourd’hui. Il y a aussi des négociations en cours pour avoir des contrats avec des fournisseurs locaux pour nous approvisionner en énergie verte. Parallèlement, nous travaillons sur un autre projet de photovoltaïque. Nous avons des réflexions dans ce sens pour accélérer cette transition énergétique qui s’inscrit parfaitement dans le plan stratégique DARE FORWARD 2030.
Autonews : À la lumière de toutes ces réalisations et performances, quelle lecture faites-vous de l’avenir de l’automobile au Maroc ?
M. Kh. : Nous sommes prêts à faire partie des plus grands. Aujourd’hui, le Maroc a une capacité de 700 000 véhicules. À l’horizon 2025, elle passera à 1 million de véhicules. Dans ce sens, notre ambition est de devenir la référence industrielle dans le secteur en termes de compétitivité et de qualité, de coût et aussi en termes d’attractivité pour ramener des fournisseurs sur place et atteindre ainsi notre objectif d’intégration locale fixé à 80% à l’horizon 2030.