On l’appelle toujours la voiture du peuple. Elle promettait aux Russes une fiabilité soviétique contre les intempéries et à bas prix. Dans les années 60 du siècle dernier, les dirigeants de l’URSS réalisent qu’ils sont à la traîne dans la production automobile. C’est là qu’ils font appel à Fiat pour lancer la mythique Lada. Petite histoire d’un mythe soviétique.
Ce n’est un secret pour personne, les Russes ne sont pas des flèches en termes de conception et d’ingénierie automobile. Ils sont capables d’envoyer des navettes spatiales en orbite et atterrir sur la lune, mais de là à donner forme à quatre roues en bonne et due forme, ce n’est pas du tout leur tasse de thé. Après l’industrialisation de tout le territoire soviétique sous Staline, après la deuxième guerre mondiale, au cœur de la guerre froide, les caciques du parti soviétique se rendent compte qu’ils sont compétitifs face à la NASA, que leur arsenal nucléaire est au point, mais leurs véhicules civils sont tout bonnement inexistants. Dépendre de l’ennemi allemand encore et toujours est désormais exclu, tout comme il est hors de question de faire appel aux Germaniques pour qu’ils les aident à concevoir leur voiture nationale. C’est là que les Soviétiques ont opté pour l’Italie et pour Fiat. Dans l’urgence, le Soviet Suprême décide de conclure un contrat de huit ans avec la firme italienne pour lancer la première voiture made in Russia.
Nous sommes en 1966. Tout est en place pour commencer les travaux et la livraison par dizaine de quatre roues adaptées aux exigences du climat russe. Le choix se porte sur la ville de Togliatti, à 900 kilomètres à l’est de Moscou sur la rive gauche de la Volga dans l’Oblast de Samara. Les Russes se mettent au travail, et très vite, sort de terre une réplique de l’une des usines du constructeur italien. En quelques mois, la société AvtoVAZ pour Voljskiy Avtomobilny Zavod est née. C’est une fierté nationale. L’événement est fêté en grande pompe, avec défilé militaire et tout l’attirail de circonstance. En 1970, les premières voitures sortent de l’usine. Le premier modèle est photographié sous tous les angles. La presse en fait des échos continus et dithyrambiques. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans le bloc soviétique. Désormais, le peuple a sa voiture, comme les Allemands ont leur Volkswagen. Il s’agit d’un premier modèle fabriqué à la chaîne et baptisé : VAZ-210. Les Russes le surnomment affectueusement «Kopeika», qui vient de Kopek, une monnaie russe. C’est dire toute la symbolique populaire et historique d’une telle voiture. Pour les ingénieurs italiens et russes, le véhicule est fiable. Il est surtout abordable. C’est une version plus solide et plus robuste de la Fiat 124. En 1969, débute en accéléré la formation du personnel, et en 1970, 670 000 exemplaires de la Fiat 124 sont produits sous licence. D’ailleurs, la forme, le gabarit, le design, tout rappelle ce classique italien. Le peuple est fier. Mais la voiture n’est pas accessible à tous, communisme d’État oblige. Pour avoir son permis et avoir droit à un véhicule particulier en URSS, il faut être un haut gradé ou un agent secret. Les voitures sortent de l’usine, mais ce sont les fonctionnaires du Parti qui y ont droit. Le peuple peut les apprécier rouler et crisser sur la neige moscovite. Ceci n’empêche pas la République socialiste populaire de varier les modèles sur le même thème du premier en lançant à la chaîne la même voiture sous différents noms : VAZ-2102, VAZ-2103, VAZ-2104… Le modèle est basique, les couleurs sont ternes pour garder cette image plus ou moins sombre de la guerre froide.
Puis, sept ans plus tard, c’est la grande révolution chez les Russes. Les concepteurs pensent à un modèle qui tranche avec tout ce qui a été fait jusque-là. Et, en 1977, la Lada Niva voit le jour. Et ce modèle est encore aujourd’hui le plus connu de la firme. Mais bien avant que le nom Lada ne devienne populaire, les premiers modèles portaient tous le nom compliqué et très russe de Avtovaz. Avec un nom comme celui-ci, difficile d’attirer le public et les acheteurs étrangers, surtout que l’URSS comptait exporter sa voiture aux pays de l’ex-bloc de l’Est. C’est là qu’après un vote très large, 50 000 voix votent en faveur du nom Lada pour la marque russe qui sera distribuée dans plusieurs pays européens. Lada est un mot plus simple et facile à retenir. Il est aussi très symbolique pour une majorité de Russes. Il désigne un petit bateau qui circule sur la Volga à côté de la ville de Togliatti. Reste la question du logo. Une voiture sans logo qui en jette n’est pas une voiture. Surtout, encore une fois, que les Germaniques et les Yankees ont des logos intimidants. C’est comme ça que les ingénieurs, en concertation avec de hauts responsables de l’État, Russe un petit bateau. Mais là encore, nous sommes en Russie, rien n’est simple. Il y aura au total 4 logos : le premier en jaune, rouge et noir, le second avec un bateau seul, le troisième avec le bateau Lada et la marque sur toute la largeur en dessous, et enfin le dernier utilisé actuellement : le bateau en haut en plus petit et la marque écrite en large, en gros en dessous, et en gras. Tout un programme de typologie et de police de caractère, avec tout l’habillage qui va avec.
La suite appartient à l’histoire. En 1992, l’entreprise est privatisée. Elle se joindra alors à Chevrolet avant d’être renationalisée ensuite avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Aujourd’hui, Lada produit encore 1 million de véhicules par an, et a signé une joint-venture avec Renault-Nissan le 12 décembre 2012. Le groupe français détient 70% du capital de la marque.